Bien qu’actuellement souvent mise à mal, l’autorité parentale continue à s’imposer naturellement chez le petit enfant, en raison de son immaturité physique, avec la différence de taille et de force qu’elle implique. Mais ce n’est pas le cas chez l’adolescent. La précocité de la puberté, l’augmentation moyenne de la taille des adolescents et la libération des mœurs, confèrent à la contestation normale de l’adolescence une ampleur inégalée qui soumet à rude épreuve l’autorité parentale.
Et pourtant, pour la majorité des jeunes et des parents, la référence à l’autorité parentale ne pose pas de problème, même si elle ne s’exprime pas de la même façon que dans le passé. Il a fallu s’adapter, mais 5 adolescents sur 6 se disent satisfaits ou très satisfaits de leurs parents.
Néanmoins on retrouve toujours entre 10 et 20% d’adolescents dits « à problèmes » pour lesquels se dessine une « crise de l’autorité » qui se traduira par des manifestations d’incivilité et chez certains par ce qui semble être une absence totale de référence à une quelconque autorité.
L’autorité est-elle nécessaire ? Comment la gérer ? Quelle est sa place dans une société aux mœurs plus libres et en évolution ?
Quelques principes peuvent servir de guide, en ce fait qu’il existe toujours une autorité de fait, liée à une dépendance physique et psychologique du petit enfant à l’égard de ses parents. Qu’ils le veulent ou non, ceux-ci ont un pouvoir total sur lui, dont celui de lui donner un langage et les mots qu’il utilisera pour qualifier ses émotions et ses sentiments, ses ressentiments, pour nommer et donc représenter les liens qu’il noue avec eux. Les parents disent et organisent le permis et l’interdit, et servent de modèle à l’enfant. Le besoin de leur amour et de leur attention crée chez l’enfant une dépendance affective inévitable et souhaitable qui met les parents en position d’autorité.
A tout âge, et au moins jusqu’à la fin de l’adolescence, la différence de génération, par ce que fait, dit et montre l’adulte, a des répercussions sur le jeune. La différence d’âge positionne l’adulte dans un rôle éducatif qui contribue à organiser la personnalité en formation de l’enfant et de l’adolescent. Aucun adulte ne peut échapper à cet impact éducatif, cette relation d’autorité s’impose par elle-même. En ne voulant pas exercer d’autorité, l’adulte ne donnera pas plus de liberté à l’enfant, il l’abandonnera juste à lui-même!
Si les adultes ne peuvent donc pas échapper à leur rôle éducatif, deux questions se posent: quel est le but de l’éducation, et quelle place y tient la relation d’autorité?
En premier lieu, l’éducation c’est de permettre à l’enfant de devenir autonome et de ne plus dépendre de l’autorité de l’adulte. L’expérience de laisser l’enfant très libre en ne lui posant pas de limite, ne donne pas des résultats très concluants; ne pas exercer d’autorité c’est abandonner! Abandonner l’enfant à la tyrannie de ses besoins immédiats et de ses contradictions, sans référence extérieure pour les réguler, les projeter dans l’avenir et leur donner du sens. L’essentiel de la liberté d’un individu dépend de sa capacité d’attendre. Or l’attente est un apprentissage qui résulte à la fois des capacités propres à l’enfant et de sa prise en compte progressive des limites que les adultes lui imposent pour le protéger, mais aussi pour l’insérer dans le groupe social. En acceptant ces limites et interdits, l’enfant s’assure en retour de sa valeur par l’amour et l’estime que les adultes éprouvent à son égard. La capacité d’attendre repose non pas sur le refus de la satisfaction immédiate, mais sur la possibilité de la différer en vue d’un plus grand bien: l’approbation des adultes dans un premier temps et puis dans un second temps la conscience progressive de ses ressources propres et de ses moyens de contrôle. L’enfant se perçoit ainsi comme plus libre tant par rapport à ses propres besoins que par rapport aux réactions de son environnement.
Si l’adulte est trop laxiste, l’enfant est prisonnier de ses contradictions internes, sans autre valorisation structurante que la quête répétée, et insatiable de satisfactions passagères auxquelles il risque d’être condamné.
Le fait que l’échange entre l’enfant et ses parents fonctionne de façon satisfaisante repose sur une condition essentielle: la confiance.
C’est parce que l’enfant fait profondément confiance à l’adulte qu’il accepte les sacrifices immédiats qui lui sont demandés sans trop de frustration et avec un bénéfice secondaire important: être aimable aux yeux d’une personne, elle même aimable et valable pour lui, qui lui autorise l’acquisition du sentiment de sa propre valeur.
Ce sentiment lui permettra par la suite de s’opposer à l’occasion et de se différencier sans craindre de perdre l’amour de ses parents pour autant.
Exercer une autorité ne consiste pas à soumettre l’enfant à la volonté de l’adulte. C’est plutôt savoir poser des limites claires aux satisfactions immédiates, non pas en fonction des seuls besoins de l’adulte, mais au nom de cette référence tierce que sont les conditions d’un développement optimal de l’enfant.
Au contraire de l’autoritarisme, le but de l’autorité n’est pas de le contraindre mais de l’aider à s’épanouir et à trouver une place dans les limites transmises par les adultes dans une relation de confiance qui lui permette de les adopter. Cette confiance permet à l’adolescent de mettre à l’épreuve ces limites sans avoir peur de perdre sa valeur aux yeux de son entourage.
Or la confiance comme l’apprentissage des limites et de la capacité d’attendre ne commencent pas à l’adolescence. C’est en cela que celle- ci est révélatrice de ce qui s’est construit pendant l’enfance.
Sur ce sujet, cf Jeammet
Article rédigé en 2014, remanié depuis