L’adolescence est une période charnière où l’identité féminine et masculine se construisent sous l’influence des représentations sociales. Serge Moscovici définit ces représentations comme des systèmes de pensée collectifs qui façonnent notre perception du monde.
Les jeunes sont soumis à une énorme pression sociale de leurs pairs. Ce qui se passe au collège, dans la cour de récréation, sur les réseaux sociaux et qui échappe complètement aux adultes, va façonner des adolescents en construction, avec des croyances, des obligations, et des peurs terribles; L’enjeu: être inclu ou être exclu.
Les stéréotypes de genre sont omniprésents au collège, influençant les comportements, les aspirations et l’image de soi des jeunes. Ces représentations sont véhiculées par la famille, les pairs et les médias mais surtout par le groupe social auquel ils adhèrent .
La série Adolescence met en scène ces pressions à travers des personnages confrontés aux attentes de leur groupe social : les garçons doivent afficher une virilité assumée, tandis que les filles sont souvent réduites à des codes de féminité normés.
Dans In My Skin, l’héroïne Beth montre une double identité : au lycée, elle tente de correspondre aux attentes sociales, mais chez elle, elle fait face à une réalité bien différente. Cette dualité met en évidence la tension entre conformité et authenticité, une problématique majeure dans la construction du genre à l’adolescence.
Le Conformisme ou l’émancipation? Un choix terrible pour les jeunes.
Si de nombreux adolescents adoptent ces stéréotypes pour être acceptés, d’autres les remettent en question. Adolescence propose des personnages qui cherchent à s’affirmer en dehors des normes établies, mais qui se heurtent à l’exclusion ou à l’incompréhension.
La série montre Jaimie qui pourrait être un adolescent de 13 ans « gentil » dans une famille aimante, qui aime dessiner et n’est pas encore concerné par la sexualité. Il est soumis dans son collège à une pression énorme par ses pairs. Il doit se comporter comme un homme, « un vrai » : il doit avoir une petite amie, il doit être agressif, puissant. Il reçoit toutes ces injonctions, et avec le harcèlement il va les intérioriser. Il va donc commettre l’irréparable, non pas parce qu’il est fondamentalement violent, mais qu’il l’est devenu. Il s’est plié à l’injonction groupale.
Il est traité « d’Incel » ce qui veut dire « célibataire involontaire ». Parce que les filles ne voudraient pas de lui, le groupe se moque, on lui fait honte, il a peur de l’isolement et de la rumeur et il finit par tellement intérioriser les codes demandés ,qu’il devient ce qu’il ne voulait pas devenir.
La séquence saisissante avec la psychologue montre une confrontation hyper « genrée » : un adolescent qui finalement aura adhéré à une identité de domination masculine sur le féminin, à la violence de la parole sur la femme, aux cris pour intimider , au besoin de s’imposer; et pourtant Jaimie cherche le lien et a besoin d’être aimé, besoin d’être reconnu, besoin d’être compris, d’avoir le temps d’être fragile, d’être un enfant et de faire ce qu’il a envie de faire, du dessin et être un homme bien.
La scène est d’une violence et d’une tristesse infinie. Jaimie a été embarqué, par la pression et le besoin de s’intégrer au groupe, à devenir une brute.
La solitude.
De son côté, Beth, dans In My Skin, finira par affirmer son identité en rejetant l’image idéalisée qu’elle s’était construite. Cette jeune fille vit dans une famille très dysfonctionnelle et elle est obligée de masquer tout ce qui se joue à la maison pour garder la face au collège et taire l’insupportable vie familiale.
Seule une enseignante comprendra les difficultés de cette jeune avec une mère très malade psychologiquement et un père violent et alcoolique.
Mais Beth masque tout, ne dit rien et elle aussi adhère aux codes et aux normes adolescentes …
Ces parcours montrent la solitude, la peur du jugement au collège et l’angoisse de la rumeur dévastatrice pour un adolescent.
L’émancipation si difficile passe souvent par la prise de conscience. Celle çi ne peut advenir qu’avec la possibilité d’une parole qui va malheureusement être difficile pour briser la solitude intérieure. La responsabilité indispensable des adultes doit permettre aux jeunes de parler pour garder le lien et pouvoir se construire sainement .
Lors de la dernière scène de la série Adolescence, le père et la mère vont se questionner sur leur responsabilité, sur la répétition des scénarios de violence qu’ils ont eux-mêmes vécu et leur immense culpabilité de n’avoir rien vu.
Dans les deux séries on voit des enseignants complètement dépassés. Ils comprennent rien sur ce qui se passe dans la cour de récréation, sont aveugles face aux jeunes , ne sont absolument pas formés. Ils sont eux-mêmes d’une immaturité abyssale .
Le policier qui enquête est mieux informé par son propre fils que par ses services . Il découvre lors de son enquête que son enfant est lui-même confronté à l’agressivité, à la violence, à la peur et au harcèlement.
Lors d’une intervention dans l’établissement scolaire le père et le fils auront une occasion de communiquer . Le père enquêteur n’a rien vu de la souffrance de son propre fils qui va pourtant lui expliquer les codes ados et les signifiants des emojis que les ados s’envoient, et ce que tous les jeunes, sauf les adultes, connaissent au collège.
Voilà donc deux séries Adolescence et In My Skin qui offrent un regard pertinent sur la construction de l’identité de genre à l’adolescence. À travers les dynamiques sociales et psychologiques qu’elles mettent en scène, elles illustrent comment les jeunes naviguent douloureusement entre stéréotypes, pression sociale et quête de soi.